- Épisode 10: Samba sur Zorya
Frontière d'Ismar – Système Faia – Planète Zorya –
Campement de jungle de la compagnie mercenaire des Marteaux de Sheitan –
Poste de commandement souterrain d'Arkoh Ravar
Saïda Keren et Damon da Costa furent introduits dans ce qui était vraisemblablement le Saint des Saints de la base mercenaire, l'ultime refuge du commandant des Marteaux de Sheitan, tapi au plus profond du dernier niveau de ce bunker souterrain. Le lieutenant Caldran Eryx fermait la marche: la mercenaire turienne couvait toujours d'un œil suspicieux les deux Humains en armures N7 qu'elle venait de guider au travers de ce dédale de béton. Derrière le petit groupe, la grande porte blindée se rescella rapidement sur le même verrouillage holographique rouge qui l'avait accueilli.
L'endroit n'était guère engageant... Le plafond relativement bas, les murs de béton nu, et l'éclairage cru mais parcimonieux maintenaient sur les lieux une atmosphère oppressante. La salle aurait pourtant pu paraître assez vaste, si elle n'avait pas été compartimentée en diverses sections cloisonnées ouvertes sur l'espace central. À droite en entrant, un vaste écran tactique servait ainsi de séparation avec un petit centre de commandement opérationnel, creusé en hémicycle autour d'une large console d'holoprojection tridimensionnelle. Et sur la gauche des deux agents se trouvait l'entrée d'un local mal éclairé, où l'on devinait cependant la présence de plusieurs colonnes de serveurs informatiques, réparties comme autant de piliers soutenant le plafond. Sans aucun doute, il s'agissait là des archives hors réseau qui avaient motivé toute cette périlleuse mission d'infiltration... Au fond de la pièce, faisant directement face au portail blindé, le maître des lieux attendait ses visiteurs, assis derrière un vaste bureau encombré de tout un fouillis d'ordinateurs portables, de trophées divers, et de babioles kitsch du plus mauvais goût. Enfin, une dernière porte dérobée derrière le fauteuil du Butarien marquait probablement l'entrée de ses appartements privés.
Pour cette entrevue, Arkoh Ravar fit pleinement honneur à la réputation de paranoïaque que lui avait brodée Saïdan Keren. En effet, pour ce qui touchait à sa sécurité personnelle, le leader des Marteaux de Sheitan ne s'en remettait pas qu'à la seule mitraillette légère Tempête qu'il avait posée bien en vue sur son bureau, à portée de main juste devant lui. Non, le Butarien s'était également adjoint la protection de deux de ses fantassins, qui le flanquaient un peu en avant de son bureau: Eryx, la grande asperge turienne, était venue se poster à sa droite, armée d'un fusil à pompe AT-12 Pirate; et à sa gauche, près de l'écran tactique, un Ingénieur butarien avait activé l'Omnitech qui enveloppait son avant-bras d'un gantelet scintillant, prêt à faire jaillir à la demande Choc neural, Cryo-Blast, Incinération, ou autre joyeuse application offensive! Bref, de quoi parer à toute éventualité, et donc de quoi faire réfléchir à deux fois des invités animés de mauvaises intentions...
Arkoh Ravar voulait sans doute donner l'impression d'un businessman du mercenariat, très pris par le suivi de ses contrats en cours, car il ne daigna pas quitter des yeux l'écran holographique de son ordinateur portable lorsque les deux postulants humains firent leur entrée. Tout juste le Butarien se contenta-t-il de leur lancer d'une voix neutre:
–- Bienvenue chez les Marteaux de Sheitan, tous les deux. On peut dire que votre dépôt de candidature a fait sensation sur la base: au moins, vous savez soigner vos entrées en scène! Alors, qu'est-ce que vous pensez de notre petit chez-nous?
–- J'ai connu pire, soupira Damon – la meilleure réponse qui lui soit venue à l'esprit, et qui ne fût pas un mensonge complet!
Ravar leva enfin ses quatre yeux de son écran pour adresser un sourire entendu au commando humain. Mais son sourire s'éteignit à l'instant où il aperçut le visage ravagé du capitaine Keren – de Shana Bagashvili, si on voulait s'en tenir à son identité du moment –, qui donnait réellement l'impression d'avoir été dévoré par le feu.
–- Par les Piliers de la Force! s'exclama le Butarien. Mais qu'est-ce qui est vous arrivé?
Saïda tâcha de servir avec le maximum de conviction l'explication mensongère qu'elle avait préparée de longue date pour cette occasion:
–- Une trappe d'accès piégée avec une grenade à plasma: quand j'ai voulu checker visuellement, c'est le visage qui a tout pris! On apprend tous de nos erreurs...
Ravar inclina nettement la tête vers la droite à l'issue de ce bref récit, ce qui chez un Butarien équivalait à une remise en question implicite de l'intelligence tactique de l'Humaine qui lui faisait face. Au moins, il ne semblait remettre en question ni ses explications, ni son identité, ce qui après tout satisfaisait pleinement Saïda.
–- Bon, admit Ravar. Comme vous vous en doutez déjà, nous avons pris le temps d'éplucher tout ce à quoi nous avons pu avoir accès dans vos dossiers personnels. Honnêtement, c'est la première fois que des N7 viennent poser leur candidature chez nous: il nous a donc fallu un certain temps pour nous créer un chemin d'accès vers les bases de données confidentielles de l'Alliance!...
Saïda Keren pesta intérieurement d'une rage silencieuse. Si elle s'était volontairement défigurée, c'était par crainte qu'Arkoh Ravar ne conservât dans ses archives quelques photos qui ne cadreraient pas avec les dossiers de leurs identités d'emprunt, à elle et à Damon – quand bien même ces dossiers n'avaient été remaniés que le plus légèrement possible par les services de la Citadelle. Et voilà maintenant qu'elle apprenait qu'au final, ce mercenaire minable n'avait jamais seulement tenté de collecter le moindre renseignement sur de possibles recrues N7! Mais qu'importe: Ravar et ses complices allaient de toute façon payer cher sous peu, lorsque la redoutable Spectre biotique déchainerait par surprise toute l'étendue de sa puissance dans cet espace confiné. Et ils paieraient alors autant pour les souffrances physiques que Saïda s'était infligées en vain, que pour la part qu'ils avaient prise dans les attaques menées contre la Citadelle!
Cependant, le capitaine butarien poursuivait déjà, en consultant son interface holographique:
–- ...Alors je récapitule, pour les présentations; honneur aux dames, comme vous dites chez les Humains. Après votre... petit incident avec la grenade à plasma, on ne peut pas dire que vous soyez très fidèle aux photos d'identité de votre dossier! Mais le reste des données biométriques exploitables correspond: commandant Shana Bagashvili, née en 2164 à New Mecca sur Terra Nova, brevetée en 2183, qualifiée N7 promotion 2190; spécialisation Porte-étendard, aptitudes biotiques de niveau C–. Pas trop mal, pour une Humaine... À vous maintenant, poursuivit le Butarien en se tournant vers Damon. Premier lieutenant Paco Johnstone, né en 2175 à Edmonton sur Terre...
–- Paco Johnstone, mon cul! Ce type-là s'appelle Damon da Costa...
La voix humaine mâle et rocailleuse qui venait de jaillir de leur gauche glaça les sangs des deux agents soudain démasqués. Depuis le local des serveurs, un grand type carré d'épaules émergea lentement du coin d'ombre où il travaillait, si discrètement que ni Damon ni Saida n'avaient seulement soupçonné sa présence. Comme les autres mercenaires présents, l'Humain portait l'armure intégrale bleue et blanche des Soleils Bleus, casque exclus. Damon le reconnut immédiatement à sa courte barbe, d'un blond pâle naturel devenu assez peu commun parmi l'humanité métissée du 23e Siècle. Le problème était qu'en principe, ce salopard n'aurait jamais dû se trouver ici: le sergent artilleur de l'Alliance Hermann Frost était en effet présumé mort depuis deux ans, après que tout son peloton ait été porté disparu lors d'une mission pourrie dans les Systèmes Terminus.
–- ...Ouais, poursuivait déjà le nouvel intervenant. Lieutenant-major Damon da Costa: un N7 pur jus, ça au moins, c'est véridique. Mais aussi, un agent des Groupes d'Enquête, Infiltration & Sécurisation Trans'espèces! Un gentil petit molosse au service de la Citadelle, quoi... Totalement incorruptible, Arkoh, tu peux me croire sur parole: un vrai boy-scout!
À ce moment, Saïda et Damon auraient pu être tentés de risquer le tout pour le tout, de se jeter droit sur Frost, de s'emparer de ses armes, d'utiliser l'Humain comme écran pour parer à la riposte du lieutenant Eryx et de l'Ingénieur butarien... Mais une telle tentative aurait été par avance vouée à l'échec. En effet le sergent Frost était pleinement conscient qu'il venait de démasquer deux dangereux imposteurs, et il n'avait donc pas commis l'imprudence de se présenter les mains vides: tout au contraire, le mercenaire pointait à la hanche un redoutable lance-flammes portatif M-451 Firestorm, déjà amorcé et prêt à cracher l'enfer! Damon tiqua en remarquant que tout le support inférieur de l'arme était plaqué or – une marque de mauvais goût criard très représentative de certains milieux criminels ou mercenaires. Mais considérations esthétiques mises à part, il s'agissait là d'une arme imparable à si courte portée, et dont le déluge de plasma enflammé était en mesure d'ignorer aussi bien les barrières cinétiques et les blindages d'armures, que les défenses biotiques qu'aurait pu tenter de lever le capitaine Keren. Hermann Frost avait d'ailleurs parfaitement conscience de dominer la situation, lorsqu'il interpella sa vieille connaissance sur un ton très sûr de lui:
–- Salut, Dam'... Alors, comment ça va, fichu boy-scout? Toujours aussi fier d'aller nettoyer la merde du Conseil aux quatre coins de la galaxie, pour une solde de misère?
Le lieutenant da Costa avait déjà compris que toute tentative de dénégation de sa part aurait été futile. Il prit donc le parti de répondre avec un détachement feint:
–- Salut, Manny... Comment vont les affaires, enfoiré de déserteur? T'as l'air plutôt en forme, pour un type mort sur Tarith depuis deux ans! On dirait que la perte de ton peloton ne t'a pas beaucoup affecté? Oh, ou alors est-ce que par hasard, tu n'y serais pas un peu pour quelque chose?
–- Un peu des deux, mon pote, ricana le mercenaire barbu. Un peu des deux... La mission était pourrie d'avance de toute façon. Il ne restait plus qu'une navette, et une poignée de survivants; alors j'ai planté les autres, et j'ai gardé la navette pour aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte... L'Alliance sait investir des millions de crédits pour nous entraîner et nous équiper; mais elle n'est pas fichue de nous tenir motivés par une solde digne de ce nom! Arkoh, lui, il sait payer les hommes de talent à leur juste valeur. Et puis, tu auras remarqué que la discipline est nettement moins casse-burnes ici que dans l'Alliance...
–- Ouais, ça ne m'a pas échappé, confirma Damon. En fait, la première chose qui m'ait frappé en descendant ici dans ce bunker, c'est que personne n'ait chié dans les coins!
Frost se retint de justesse d'éclater de rire pour ne pas baisser sa garde – ce qui était peut-être bien l'effet recherché par Damon, après tout... C'est donc sans quitter ses prisonniers des yeux que le sergent des Soleils Bleus lança à son chef:
–- Méfie-toi de ce gaillard, Arkoh: c'est un rapide, et un vicieux; et sacrément inventif aussi, pour le souvenir que j'en ai! Quant à la grande brûlée à côté, ce qui reste de sa gueule me rappelle vaguement quelqu'un... En tout cas, je suis à peu près sûr que c'est une biotique, et une bonne! Pas juste une putain de C–...!
Saïda Keren s'était tenue étonnamment tranquille jusqu'à présent. Mais c'est à ce moment qu'elle se décida enfin à jouer son va-tout: la pose martiale qu'elle adopta tout à coup suggéra immédiatement à Damon qu'elle était en train de concentrer brièvement sa puissance biotique, en vue d'une frappe éclair! Mais alors qu'elle s'apprêtait à relâcher l'énergie brute ainsi accumulée, la Spectre humaine se raidit brusquement, tétanisée par une douleur indicible, avant de choir au sol en convulsant de tous ses membres. L'Ingénieur butarien sur le qui-vive avait été le plus rapide, et venait de neutraliser la menace biotique à l'aide d'un Choc neural visiblement chargé au maximum. Avec un temps de retard qui aurait pu lui être fatal, Arkoh Ravar se leva enfin de son fauteuil pour s'emparer vivement de la mitraillette Tempête posée devant lui. C'est le front plissé de colère que le chef mercenaire lança ensuite à son congénère Ingénieur:
–- Garde cette pétasse humaine sous contrôle, Varath: si elle remue ne serait-ce qu'un doigt, tu lui grilles le cerveau pour de bon, pigé?! Eryx, on sait si ces deux-là ont des complices déjà dans la place?
–- Ils ont été vus au Blue Scum avec une recrue asari débarquée ce matin, dont ils semblaient assez proches...» annonça la Turienne, avant d'ajouter en jetant un rapide coup d'œil aux moniteurs de surveillance à sa portée: «...D'après les caméras, elle a quitté le bar. Mais le caporal Rinhus les y a vus ensemble, et il a longuement parlé avec l'Asari: il pourrait facilement la reconnaître et la retrouver dans le campement.
–- Dis à Rinhus de prendre deux gars et de me la ramener, ordonna Ravar avec emportement. Refroidie, de préférence: deux biotiques à surveiller de près, ça en fait une de trop!...» ajouta le Butarien en considérant Saïda qui venait de s'évanouir au sol, avant de s'intéresser à nouveau à Damon debout à côté d'elle: «...Frost: menotte-moi ce type-là!
L'ex-sergent artilleur de l'Alliance acquiesça en silence. Il éteignit d'abord son lance-flammes portatif et le replaça sur le dos de son armure, avant de s'avancer vers Damon en tenant le dispositif de contention qui devait déployer une belle paire d'Omni-pinces autour des poignets du Sniper:
–- Mains croisées derrière le dos, Dam'. Essaie même pas de faire le malin avec moi, je te connais trop bien...
Damon sembla obéir avec résignation en ramenant ses mains derrière ses reins; cependant, il ne fit en fait que les placer hors du champ de vision de ses adversaires. De la sorte, il put pianoter en toute discrétion sur son Omnitech une courte directive, amendée d'un retard de trois secondes – le temps qu'il avait évalué comme nécessaire à Frost pour venir se placer derrière lui. Avec pour seule arme un Omnitech purgé de toute application de combat, le N7 avait déjà mûri un plan audacieux, un piège désespéré, dans lequel il espérait pourtant bien voir tomber non seulement l'ex-sergent déserteur, mais aussi les trois complices de ce dernier rassemblés dans la pièce.
Hermann Frost passa derrière le N7, en ignorant sa collègue biotique gisant toujours inerte, et en prenant bien garde de demeurer suffisamment en retrait pour éviter le classique coup de tête lancé vers l'arrière. Mais au moment précis où il s'emparait des poignets de Damon, un vacarme assourdissant retentit sans aucun signe avant-coureur, meurtrissant impitoyablement les tympans de toutes les espèces présentes. Si l'on avait pris la peine de détailler les accords de cette débauche de décibels, on aurait pu reconnaître là un air de samba endiablée, diffusé à plein volume: le premier titre des favoris de la playlist du lieutenant da Costa! Dans ce réduit de béton insonorisé, le rythme agressif sembla jaillir de tous les murs et plafonds à la fois. Surpris et désorientés par la violence de cette attaque sonique, les quatre Soleils Bleus ne surent comment réagir; mais Damon, lui, savait exactement quoi faire...
Le commando de l'Alliance lança ses mains vers l'arrière, et parvint à saisir à l'aveugle les poignets du sergent Frost debout derrière lui. Une prise de close combat parfaitement exécutée lui permit de faire passer devant lui le renégat encore stupéfait, et les poignets toujours emprisonnés. Damon ne relâcha sa prise que le temps de propulser Frost d'un vigoureux coup de pied dans les reins en direction du lieutenant Eryx, la mercenaire turienne, les envoyant ainsi tous deux rouler au sol. Le N7 avait cependant pris soin juste auparavant de soulager prestement son adversaire du pistolet Prédateur accroché bien en vue à sa hanche droite. Son Omnitech activé en mode Lecture audio dessinait toujours un gantelet flamboyant autour de son avant-bras lorsqu'il pointa le calibre droit devant lui, vers Ravar et ses sbires.
Damon savait pertinemment qu'il n'avait pas la moindre chance de l'emporter, seul en combat rapproché, avec pour toute arme un pistolet contre quatre adversaires pourvus de solides barrières cinétiques. Il allait avoir besoin des redoutables talents martiaux du capitaine Keren, et tout spécialement de ses pouvoirs biotiques, dont il avait déjà eu l'occasion d'apprécier l'efficacité à toutes portées. Dès lors, la cible prioritaire du tireur d'élite N7 devenait évidente: le dénommé Varath, l'Ingénieur butarien, le seul de ses quatre adversaires à pouvoir maintenir la dangereuse guerrière biotique sous son emprise.
Comparé au Carnifex qu'employait habituellement Damon, le M-3 Prédateur ne méritait guère le nom de pistolet lourd, tant ses tirs, pris individuellement, manquaient de puissance d'arrêt. Mais pour de nombreux utilisateurs, il compensait ce défaut en ajoutant une cadence de feu très élevée à une endurance thermique appréciable – ce qui rendait ses tirs de barrage très efficaces pour couvrir la progression d'un allié, ou pour saturer rapidement les barrières cinétiques d'un adversaire à découvert. En l'occurrence, c'est cette dernière faculté qui intéressait justement Damon.
Sans doute trop confiant dans les puissants boucliers générés par son armure technique, l'Ingénieur Varath n'avait pas pris la peine d'enfiler son casque de combat – pas davantage d'ailleurs que ses trois comparses en armures bleues. Damon put donc prendre comme point de mire le centre des quatre yeux du Butarien: le tireur d'élite surentraîné parvint à placer en ce point précis, en l'espace d'à peine plus de deux secondes, la totalité des quinze coups tolérés par la cartouche thermique de son Prédateur. Le tir de barrage fit luire la barrière cinétique de Varath de violents flashes bleutés juste devant ses quatre yeux, l'aveuglant et l'empêchant de réagir de manière appropriée. Il ne fallut à Damon pas moins de treize projectiles hypersoniques pour parvenir à épuiser les protections gravitationnelles de sa cible. Mais les deux derniers tirs, remarquables de précision au terme d'un arrosage si intense, suffirent à neutraliser définitivement l'Ingénieur butarien lorsqu'ils l'atteignirent en pleine face – un pour chacun de ses deux yeux inférieurs!
Mais Damon était à présent sur le point de perdre le bénéfice de l'effet de surprise qui l'avait d'abord favorisé. En dépit du fond sonore assourdissant, Ravar commençait apparemment à saisir enfin la situation à laquelle il était confronté, tandis que les deux mercenaires envoyés à terre étaient en train de se relever; bien plus vive, la Turienne était même déjà presque debout sur ses longues jambes. Sans cartouche thermique de rechange à portée de main, Damon était condamné. Mais à l'instant où Ravar et Eryx ouvrirent le feu sur lui, le N7 eut la surprise de voir leurs tirs s'écraser sur ce qui semblait être une barrière cinétique située à un mètre devant lui, dont il n'avait pas soupçonné la présence! À son insu, le capitaine Keren s'était redressée sur un genou à côté de lui, par un effort de volonté et de résilience extraordinaire. La protection gravitationnelle du Dôme biotique qu'elle avait pu déployer autour d'eux venait de leur sauver la vie à tous les deux...
Dès qu'il vit Saïda lui adresser un bref regard impérieux tandis qu'elle demeurait sur un genou, Damon sut ce qui allait se produire. Il avait déjà vu la terrifiante Spectre biotique en action, et n'eut donc besoin d'attendre aucune confirmation verbale pour se jeter aussitôt face contre terre. L'instant d'après, le capitaine Keren percuta violemment le sol de son poing gauche: la combinaison mnémotechnique qu'elle avait longuement travaillée pour que son organisme active une frappe Nova! Cette attaque biotique particulièrement redoutée était censée disperser instantanément toute l'énergie accumulée pour sa défense biotique, en une vague concentrique assez puissante pour balayer toute la pièce. Or l'énergie requise pour déployer un Dôme biotique était énorme... Dans un espace si confiné, il fallait donc s'attendre à un véritable cataclysme nucléaire!
Damon se sentit repoussé d'un bon mètre sur le côté lorsque la tempête le frappa; mais au moins, son corps ne quitta pas le sol contre lequel il s'était plaqué. Lorsqu'il osa enfin relever la tête après le passage de la colère divine, il put évaluer les effets dévastateurs de l'offensive biotique. Tout ce qui n'était pas fixé au sol s'était fracassé contre les murs, et quelques éléments de mobilier fixé s'étaient d'ailleurs même descellés. Plusieurs éclairages avaient également sauté; au milieu de la semi-pénombre et de la poussière en suspension, la cacophonie désarticulée que vomissait toujours l'Omnitech de Damon donnait à cette scène de désolation un air d'antichambre de l'Enfer...
Eryx la Turienne gisait au sol sans vie: tout indiquait que son cou long et mince s'était brisé contre le rebord du bureau du Ravar, lorsqu'elle avait été projetée en arrière. Arkoh Ravar et Hermann Frost avaient survécu. Le capitaine butarien paraissait indemne, mais encore sonné, peinant à reprendre ses esprits. À l'inverse, l'Humain blond, lui, semblait avoir pleinement repris conscience sous l'effet de la douleur; mais les multiples fractures, traumatismes, et lésions internes dont il souffrait justement le clouaient à présent au sol, sans défense. Saïda Keren se redressait déjà, le visage déterminé, et les avant-bras se rechargeant à nouveau de puissance biotique. Damon s'empressa donc également de se relever à son tour, en titubant encore un peu.
Encore à demi-assommé par le séisme, Ravar avait commencé à ramper en gémissant au milieu des gravats, tandis qu'il tentait de récupérer sa mitraillette tombée à terre devant lui. Le chef mercenaire eut cependant à peine le temps de sentir un genou venir plaquer fermement son épaule contre le sol, avant que l'ultime impact d'un poing flamboyant d'énergie noire ne réduise son crâne à deux dimensions! Frost, quant à lui, ne perdit rien du spectacle intimidant de son ancien collègue de l'armée de l'Alliance, qui marchait droit vers lui d'un pas résolu. Lorsque Damon fut assez proche pour pouvoir l'entendre en dépit du tapage à prétention musicale, le misérable tenta piteusement de se disculper:
–- Ça... ça n'avait rien de personnel, Dam'!
Sans répondre immédiatement, Damon posa vivement un genou au sol près de l'homme à terre, et puisa dans le ceinturon de ce dernier une cartouche thermique de rechange, dont il se servit pour réarmer posément le pistolet qu'il tenait toujours en main. C'est avec la même précision glaciale dans ses gestes qu'il glissa une main sous la nuque du renégat impuissant, tandis que de l'autre, il pressait le canon du Prédateur tout contre son front – c'est-à-dire en-deçà de la protection cinétique assurée par les boucliers de son armure. Le regard meurtrier du N7, ainsi que le ton tranchant de sa réponse, ne laissèrent plus aucune illusion à Frost quant à l'extrême brièveté de son espérance de vie:
–- Eh ben pour moi, c'est très personnel... Enfoiré de déserteur!
La détonation d'un unique tir à bout touchant suffit à clore définitivement cet échange. Damon se releva au-dessus du corps de Frost, dans le même temps où Saïda se remettait debout au-dessus de celui de Ravar, au milieu d'une ambiance sonore démente. Une victoire sans appel... Et pourtant, le visage calciné de la Spectre exprimait bien moins le triomphe que l'exaspération, tandis qu'elle gonflait ses poumons avant de lancer un hurlement d'impatience assez puissant pour dominer le tintamarre ambiant:
–- DAMON! Tu peux couper cette m... musique?!
–- Euh, ouais, ouais, bien sûr, désolé! s'exécuta aussitôt l'amateur de samba.
Le lieutenant désactiva le gantelet scintillant de son Omnitech, et le silence retomba instantanément dans la salle bétonnée. Saïda soupira enfin de soulagement, et son visage pourtant gris et rugueux s'éclaira lorsqu'elle s'exclama avec enthousiasme:
–- Bravo, Champion!
Damon lui adressa un large sourire en retour, et lui tendit le poing de manière à ce qu'elle vienne y accoler le sien, en un 'fist bump' des vainqueurs. La Spectre se rapprocha en souriant également; mais au dernier moment, son poing esquiva brusquement celui de Damon, et en lieu et place, sa paume vint claquer sèchement contre le fessier blindé de l'armure du lieutenant! L'expression de surprise qui se peignit sur les traits de ce dernier fit éclater Saïda de rire:
–- Ah, si seulement tu voulais bien, Champion... Toi et moi, contre toute la galaxie: on en ferait, des étincelles!
–- Tu finirais par me faire éjecter la cartouche thermique avant la visée, cap'taine! bredouilla Damon d'un ton gêné. J'admets que je me sens très flatté, mais décidément... Non, merci!
–- À force, je vais finir par me mettre dans la tête l'idée fausse que je ne te plais pas vraiment! ronchonna Saïda avec une moue boudeuse. Ce serait dommage, non?
–- Ben aussi, faut dire...» Damon hésita un instant, avant se décider à développer sa pensée: «...Tu te verrais maintenant, cap'taine, on dirait que tu as embrassé de trop près le lance-flammes de ce connard de Frost!
Saïda passa avec regret la main sur la partie inférieure de son visage, encore aussi racorni et crevassé que celui d'un Turien. Il faudrait effectivement encore quelques jours, avant qu'elle ne retrouve son charme de briseuse de cœurs d'Asari! La bouillonnante Spectre humaine passa cependant vite à autre chose, lorsqu'elle établit un point rapide sur leur situation:
–- Bon, ben au moins, on peut dire qu'on ne manque pas de priorités pour l'instant: nous rééquiper de pied en cap; localiser et récupérer les données pour lesquelles on est descendus jusqu'ici; neutraliser le reste des Soleils Bleus présents entre ce bureau et la sortie du bunker en surface, sans avertir les autres à l'extérieur; joindre Lenks et Andrak pour qu'ils passent nous récupérer avec le Kodiak...
–- ...Et avant ça, compléta Damon, il faudra encore désactiver la grosse tourelle antiaérienne là dehors, si on veut éviter qu'ils se fassent descendre en arrivant!
–- Ce PC m'a l'air parfaitement isolé et insonorisé, constata le capitaine Keren. Ravar souhaitait apparemment négocier avec nous en toute discrétion; donc je doute que les mercenaires derrière cette porte blindée aient pu avoir le moindre écho de ce qui vient de se passer ici. Mais à tout hasard, on va quand même commencer par s'occuper d'eux...
Sans comprendre ce que sa patronne avait exactement derrière la tête, Damon la regarda se diriger d'un pas décidé vers la dépouille d'Arkoh Ravar. Saïda maintint longuement son Omnitech au-dessus de celui du Butarien, probablement afin de scanner des données et instructions, et de récupérer des codes d'authentification. Cette hypothèse se confirma, lorsqu'elle s'employa ensuite à réassocier ces codes à ses propres empreintes biométriques. Pour finir, la Spectre détacha directement l'Omnitech du chef mercenaire de son corps sans vie, de toute évidence en vue d'examens ultérieurs plus poussés.
Dans un deuxième temps, Saïda rejoignit la principale console de commandement du centre opérationnel, où elle réactiva son Omnitech de manière à s'identifier à l'aide de ses codes fraichement appropriés. Un pupitre holographique se matérialisa bientôt devant elle, sur lequel elle commença à faire défiler divers écrans . Ce n'est qu'en relevant brièvement la tête durant son travail, qu'elle croisa enfin le regard désespérément interrogateur de Damon. Et c'est sur un ton plein de confiance en elle qu'elle daigna répondre à ses questions muettes:
–- Je t'ai déjà dit que Ravar était un foutu paranoïaque? Eh bien c'était aussi un obsédé du contrôle sur tout... Comme je le pensais, toutes les défenses du périmètre, y compris la tourelle laser, sont désactivables ou reparamétrables à distance depuis ce PC souterrain, à condition d'avoir les bons accès. En fait, ça inclut même les défenses sous IV internes au bunker lui-même, celles qu'on a croisées en descendant ici; je vais d'ailleurs commencer par là. Mmm... Ah, ça y est, j'ai trouvé! D'abord couper les alarmes vers l'extérieur; verrouiller les accès inter-niveaux et la sortie du complexe fortifié; et ensuite...
Saïda afficha sur le grand écran tactique l'ensemble des images de surveillance des diverses sections du bunker. Les systèmes audio diffusèrent bientôt le roulement de rafales à très haute cadence de tir, accompagné de toute une symphonie de hurlements de surprise, de panique ou de douleur, tandis que les tourelles défensives faisaient le ménage parmi les personnels des Soleils Bleus piégés dans les niveaux souterrains. Le visage calciné de la Spectre humaine, toujours debout derrière son pupitre holographique, n'exprimait aucune émotion – au mieux, une légère impatience que cette triste formalité s'achève au plus vite. Mais Damon, lui, semblait avoir le cœur serré en écoutant les échos de ce massacre distant:
–- Ces pauvres bougres là-dehors n'ont pas l'ombre d'une chance, gémit-il finalement avec regret. Raios! Je déteste laisser des machines sans âme faire le travail d'un vrai soldat!
–- Tu veux peut-être sortir et faire le boulot toi-même? proposa Saïda en désignant la porte blindée du PC. Ça rétablirait un peu l'équilibre des chances...
–- Mmm... Non merci, répondit Damon sans avoir pris le temps d'une longue réflexion. Tout compte fait, ça me fera des vacances!
Tout fut bientôt terminé. Les cris et le bruit des tirs s'éteignirent graduellement; on entendit encore finalement le ronronnement des tourelles automatiques qui rétractaient leurs canons et regagnaient leurs logements, puis plus rien – pas même un râle d'agonie. Un bref examen des moniteurs de surveillance confirma que tout était bien fini. Saïda profita un court instant de ce silence, avant de reprendre ses opérations de reprogrammation:
–- Bien, maintenant, je désactive les défenses pour nous permettre de ressortir. La tourelle laser, à présent... Une petite réassignation des priorités de menaces, et... Voilà! Le système GARDIA devrait maintenant considérer comme hostile tout appareil volant dans son périmètre de défense, à deux exceptions près: les deux Kodiaks du Citadel, celui avec lequel on est arrivés et qu'on va tâcher de récupérer en partant, et celui avec lequel Andrak et Lenks vont venir couvrir notre évasion. Ces instructions s'auto-effaceront d'ici moins d'une heure, pour ne laisser aucune trace de l'identité du transpondeur du second Kodiak...
Le capitaine Keren donnait l'impression de beaucoup s'amuser sur sa console. La redoutable guerrière biotique semblait avoir raté une belle carrière d'Ingénieur... Son aisance surprit passablement Damon, qui finit comme à son habitude par laisser sa curiosité s'exprimer à voix haute:
–- Hé cap'taine, tu t'y connais donc si bien que ça en piratage d'IV?
–- Ça, ce n'est pas du piratage, mon grand: juste de la reprogrammation en bonne et due forme sous privilèges d'administrateur! expliqua patiemment Saïda, en levant le gantelet scintillant de son Omnitech enrichi des codes d'accès dérobés à Ravar. Et puis, depuis que j'ai rejoint l'Unité, j'ai déjà pris pas mal de cours particuliers avec Lenks. Tu le connais: c'est pas franchement un prof très patient, ni très pédagogue; mais c'est quand même un sacré bon expert, mine de rien!
Damon dodelina de la tête d'un air entendu: avec l'Ingénieur galarien, même les conversations les plus anodines pouvaient souvent s'avérer pénibles; mais le lancer délibérément sur des sujets techniques pointus relevait du pur masochisme! De son côté, Saïda s'employait déjà à transférer, depuis le terminal d'opérations vers son Omnitech, les données contenues dans les serveurs de ce sous-sol – celles pour lesquelles Damon et elle étaient descendus jusqu'ici au mépris de tous les dangers, et aussi un maximum d'autres, pertinentes ou non, que l'on disséquerait plus tard.
–- Tout est encodé, évidemment, constata Saïda sans grande surprise. Mais les analystes de la Citadelle sauront bien déchiffrer tout ce fatras quand on le leur remettra...
Damon émit un petit reniflement, lorsqu'il répartit:
–- Oh, je suis sûr que Lenks saura craquer tout ça, rien qu'à partir de son Omnitech magique et de ses petites cellules grises. Euh, ou vertes, peut-être bien: en fait, je ne me suis jamais vraiment demandé quelle couleur ça peut bien avoir au juste, la cervelle de Galarien... Enfin bref, cet empaffé de pingouin pédant a souvent le don de savoir jouer avec mes nerfs, mais je dois bien lui reconnaître qu'il lit les codes les mieux cryptés plus couramment encore que je ne lis le manuel d'entretien d'un flingue!
La blancheur d'un sourire éclaira brièvement le visage noirci de Saïda. Il était temps de passer à l'étape suivante: préparer leur retour en surface vers le campement des mercenaires, et envoyer à Lenks et Andrak le signal d'appel convenu pour exfiltration. La Spectre humaine lança vivement à son collègue N7:
–- Tiens, tu parlais tout à l'heure du Firestorm de Frost... Eh bien je pense que tu devrais le récupérer: il pourrait nous être utile pour nous tirer d'ici en force, ou pour semer un peu de boxon derrière nous, en cramant quelques véhicules ou une paire de dépôts... Et puis au pire, ce joli bébé plaqué or fera toujours un trophée de guerre tout à fait acceptable à ramener!
Damon acquiesça, puis ajouta en regardant tout autour de lui:
–- Il nous servira déjà à nettoyer ce bloc par le feu, en détruisant les serveurs de Ravar derrière nous à présent qu'on en a extrait ce qui nous intéresse. On est censés ne laisser aucune trace de nos recherches, mais Lenks ne nous a filé aucun dispositif explosif ou EMP qui aurait pu être découvert lors d'une fouille. Il nous a juste dit de faire avec les moyens du bord en temps utile. Eh ben là ça va, je crois qu'on tient justement l'outil ad hoc!
–- On devrait même carrément incinérer tout ce qu'on pourra derrière nous en remontant, jugea Saïda en entrant quelques commandes supplémentaires sur sa console. Ça empêchera l'ennemi d'utiliser ce sanctuaire pour se réorganiser, quand Lenks et Andrak passeront à l'action; et ça devrait aussi nuire à leurs capacités de redressement après notre départ. Tiens, voilà: j'avais déjà désactivé les signaux d'alarme vers l'extérieur, et là, je viens de pousser à fond la ventilation des différents blocs pour favoriser l'extension de l'incendie...
–- Whoh, ça promet du spectacle! se réjouit Damon par avance.
Les deux N7 se livrèrent ensuite à une fouille rapide du réduit bétonné, en vue de faire main basse sur tout ce qui pourrait les aider dans leurs combats encore à venir. Outre le Firestorm de Frost, qu'il garda en mains prêt à l'emploi, le lieutenant da Costa plaça également à sa hanche la mitraillette légère Tempête arrachée aux doigts crispés d'Arkoh Ravar. En bonne combattante biotique, le capitaine Keren se contenta quant à elle d'emporter le pistolet Prédateur de Frost. Pendant que Damon garnissait les pochettes de son ceinturon de cartouches thermiques et d'une paire de grenades à fragmentation, Saïda ne négligea pas de son côté de descendre coup sur coup trois cannettes trouvées dans le minibar de Ravar, afin de récupérer des forces mises à mal par ses récentes dépenses massives d'énergie biotique. Damon prit bien sûr également le temps de récupérer et de réinstaller les principaux modules militaires de son Omnitech: communication et brouillage, détection et furtivité... plus quelques nouveautés intéressantes trouvées sur place, en fouillant les casiers techniques de l'armurerie personnelle de Ravar. Saïda, elle, avait déjà employé tout l'espace mémoire disponible sur son propre Omnitech pour stocker un maximum de données dérobées dans les serveurs du PC souterrain.
Une fois que les deux combattants humains furent prêts à sortir – en se frayant un chemin par la force le cas échéant –, Saïda Keren se rapprocha de la console de communications externes du centre de commandement. Lors de leur reconnaissance à pied, elle et Damon avaient repéré une petite parabole dans l'enceinte clôturée du bunker: elle était probablement destinée à recevoir et émettre vers un relais de communication à effet de masse, discrètement établi sur l'une ou l'autre des lunes du système Faia, et spécifiquement dédié aux transmissions sécurisées des Soleils Bleus. La Spectre rappela à voix haute quelques éléments du briefing préparatoire, autant pour elle-même que pour Damon:
–- Lenks et Andrak attendent avec le second Kodiak, parés au décollage sur alerte, depuis la baie d'envol du SSV Citadel stationné en bordure du système. D'après les projections réalisées avant la mission, ils devraient arriver sur cible au-dessus de cette base environ vingt-huit minutes après avoir reçu notre signal.
Damon prit quelques secondes pour se remémorer l'ensemble du circuit effectué au travers des différents niveaux de l'abri souterrain, sur les pas du lieutenant Eryx; puis il estima rapidement:
–- Ça nous prendra un peu moins d'un quart d'heure pour regagner la surface, en foutant le feu un peu partout derrière nous. Ce serait bien qu'on retrouve Feylin dans le campement, aussi; sinon, on la reverra surement au moment de l'arrivée du Kodiak et de l'embarquement...
–- Ça devrait le faire, considéra Saïda d'un ton optimiste, tandis qu'elle pianotait sur la console de communications. Bon, l'appel est lancé... Ah, signal en retour, confirmation de Lenks... Compte à rebours enclenché... Top! Vingt-huit minutes tout juste avant extraction!
La Spectre venait d'activer le mode Chronomètre de son Omnitech. Damon, de son côté, avait déjà amorcé son Firestorm. Il pointa d'abord le lance-flammes en direction du grand bureau d'Arkoh Ravar, nettoyé par l'onde de choc biotique de toutes les babioles kitsch que le Butarien y avait empilées, et derrière lequel son corps reposait à présent avec ceux de ses acolytes. Juste avant d'activer la projection de plasma embrasé, Damon se fendit d'un clin d'œil réjoui en direction de sa patronne:
–- Y a quand même des jours où j'adore vraiment ce boulot!
[...]